Souveraineté numérique en France : de la prise de conscience à l’action

Souveraineté numérique en France : de la prise de conscience à l’action

Le 16/11/2020

La souveraineté numérique en France… quel état des lieux peut-on dresser aujourd’hui ?

Si la question est longtemps restée l’apanage d’experts du numérique, force est de constater que la sphère politique s’empare de plus en plus du sujet. Et pour cause, la souveraineté numérique européenne, et par conséquent celle de l’Hexagone, revêt de multiples enjeux pour le territoire : enjeux politiques, enjeux économiques, mais aussi enjeux sociétaux.

Comment la conscience française s’est-elle réveillée face aux problématiques associées à la perte de souveraineté nationale dans le cyberespace ? Quelles sont les initiatives des différents acteurs du numérique, mais aussi les actions mises en place par le Gouvernement ?

On fait le point.

Définition de la souveraineté numérique

La souveraineté numérique se définit comme l’exercice du pouvoir dans le cyberespace, qu’il s’agisse d’un pouvoir politique, économique ou encore citoyen.

Toutefois, avec la montée en puissance des acteurs américains (les fameux GAFAM) puis chinois (les BATX), aborder la question de souveraineté numérique relève plus du constat de la perte de cette même souveraineté. Au cœur des débats : quels sont les risques, notamment en matière de cybersécurité, provoqués par le monopole des géants du numérique étrangers, et quelles sont les solutions pour y pallier ?

Mais au fait, depuis quand la France s’intéresse-t-elle au concept de souveraineté numérique ?

Souveraineté numérique en France : genèse d’un concept

Il est intéressant d’évaluer les premières apparitions de l’expression souveraineté numérique en France, car l’exercice permet de comprendre quand les enjeux ont gagné en intérêt au sein du territoire.

Il est courant de lire que l’article Souveraineté et réseaux numériques de Bernard Benhamou et Laurent Sorbier, publié dans la revue Politique Étrangère en 2006, a marqué un tournant dans le développement de cette notion. Il y a donc quatorze ans de ça, le constat s’avérait déjà inquiétant, et les auteurs s’interrogeaient sur «la manière dont l’ensemble des technologies qui constituent l’Internet structurent, directement ou indirectement, l’évolution de nos sociétés et les relations entre les États.»

En 2013, dans le cadre d’un rapport d’information élaboré au nom de la Commission des affaires européennes, la sénatrice Catherine Morin-Desailly s’inquiète également de la perte de souveraineté numérique. C’est d’ailleurs dans ce contexte que sera utilisée officiellement une formule encore largement employée aujourd’hui, tant elle fait sens :

L’Union européenne, colonie du monde numérique

Mais c’est surtout Pierre Bellanger, fondateur et PDG de Skyrock, qui a contribué à populariser l’expression souveraineté numérique dans l’Hexagone. Il publie notamment dès 2011 une tribune intitulée De la souveraineté en général et de la souveraineté numérique. Puis, en 2014, Pierre Bellanger sort un ouvrage majeur sur le sujet : La souveraineté numérique. Si le livre alerte sur la situation, il se révèle également force de proposition en orientant sa réflexion autour de l’idée d’un internet libre et de la nécessité de rivaliser technologiquement avec les puissances américaines.

Intervention de Pierre Bellanger sur la souveraineté numérique dans le média ActuEntreprise :

L’émergence d’initiatives majeures

Mettre en place des actions pour pallier la perte d’indépendance numérique et technologique française passe donc, en premier lieu, par l’éveil des consciences sur le sujet.

Pour illustrer ce propos, nous pouvons citer le déploiement de deux initiatives majeures.

Les Assises de la Souveraineté Numérique

En 2014 se tiennent les premières Assises de la Souveraineté Numérique. L’objectif était alors déjà clair : comprendre les enjeux entourant la souveraineté numérique française et dégager des pistes pour améliorer la situation en axant la réflexion, par exemple, autour de la régulation des données.

Depuis, des éditions ont lieu quasiment chaque année avec toujours pour fer de lance la reconquête de la souveraineté numérique française et européenne.

L’Institut de la Souveraineté Numérique

Dans cette lancée est créé en 2015 l’Institut de la Souveraineté Numérique. Au moyen de groupes de travail et de publications, ses objectifs et ses missions s’articulent autour de plusieurs grands pivots. Nous pouvons notamment citer :

  • «Fédérer les acteurs du numérique et, au-delà, les grands acteurs économiques afin de créer une synergie sur les enjeux liés à la souveraineté numérique européenne.» ;
  • «Faire la pédagogie et mobiliser les citoyens, et leurs représentants, sur les enjeux de la souveraineté numérique.» ;
  • «Proposer des actions et des mesures technologiques, juridiques et politiques qui permettront de faire valoir la souveraineté numérique sur l’ensemble de nos ressources numériques et en particulier sur nos données.».

Quelles prises de position politiques dans ce contexte ?

Alors que de nombreux experts du numérique commencent à alerter sur les questions de souveraineté dès le début des années 2010, les prises de position politiques fortes sur le sujet semblent moins précoces. D’ailleurs, en 2015, dans une interview du média Next INpact suite aux 2èmes Assises du Numérique, Bernard Benhamou soulignait «qu’il y a un frémissement du côté politique sur la souveraineté, même si on remarque encore un manque de culture et de maîtrise des enjeux technologiques.».

Toutefois, quelques faits sont à souligner :

  • En 2015, la Stratégie nationale pour la sécurité numérique, lancée par le 1er ministre Manuel Valls et érigée avec l’ANSSI, compte parmi ses objectifs le renforcement de l’autonomie stratégique numérique européenne et la stabilisation du cyberespace.
  • L’année suivante, le 07 octobre 2016, est promulguée la loi pour une République Numérique, dans laquelle il était notamment question de la création d’un Commissariat à la souveraineté numérique… engagement qui n’a néanmoins pas abouti comme le souligne en juillet 2019 la sénatrice Catherine Morin-Desailly.

L’année 2019, d’ailleurs, marque un tournant selon certains experts. Dans son article Souveraineté numérique : 2019, l'année du réveil pour le média CIO, Bruno Levy énumère les différents projets qui vont dans le sens d’une souveraineté plus forte. Il évoque notamment le début d’une discussion autour d’une proposition de loi «visant à lutter contre les contenus haineux sur internet», afin de contrecarrer l'immunité de sites hébergeurs, majoritairement américains.

En parallèle le rapport de Gérard Longuet, intitulé Le devoir de souveraineté numérique et établi au nom de la Commission d’enquête du Sénat, se penche sur le sujet. S’il met en exergue la prise de conscience parlementaire des enjeux liés à la souveraineté numérique, qu’elle soit individuelle ou collective, il émet également un certain nombre de recommandations :

Souveraineté numérique France : les recommandations de la commission d'enquête du Sénat© Sénat

Souveraineté numérique française : où en est-on aujourd’hui ?

L’année 2020 a commencé par l’annonce d’une bonne nouvelle, un pas de plus franchi : le moteur de recherche Made in France Qwant devient le moteur de recherche par défaut installé sur les appareils des administrations du pays, ramenant par là même la question de la souveraineté numérique à une échelle plus locale, plus proche des territoires.

Cette action, promise par le secrétaire d’État au Numérique Cédric O l’année précédente, illustre parfaitement le cheval de bataille de la sphère politique française : faire émerger des leaders nationaux qui permettront à la fois de gagner la bataille de l’économie numérique, mais aussi de la sécurité des données.

Autre fait marquant en 2020 : le 08 octobre, Cédric O a déclaré que le gouvernement travaillait sur la possibilité de transférer les données de santé du Health Data Hub, jusqu’alors hébergées par Microsoft, vers des plateformes françaises ou européennes. Cette démarche s’inscrit notamment dans la volonté de l’État de construire un «cloud de confiance», alternative aux entreprises américaines pour le stockage des données stratégiques des entreprises, privées comme publiques.

Mais surtout, l’année 2020 est celle de la Covid-19. Et cette pandémie, qui a forcé au confinement l’ensemble des citoyens, nous a rappelé à tous l’importance des nouvelles technologies dans nos vies. Plus que jamais nous avons transité, pour notre travail, nos loisirs, nos moments de convivialité, par le cyberespace, ce nouveau territoire aux frontières et aux règles mal définies… au risque d’y laisser nombre de nos données !

Plan de relance post Covid dans lequel 7 milliards sur les 100 déployés seront consacrés au numérique, prises de position fortes par la taxation des GAFA… l’histoire de la souveraineté numérique française est encore en train de s’écrire.

Actuellement Editorial Manager, Jennifer Montérémal a rejoint la team Appvizer en 2019. Depuis, elle met au service de l’entreprise son expertise en rédaction web, en copywriting ainsi qu’en optimisation SEO, avec en ligne de mire la satisfaction de ses lecteurs 😀 !

Médiéviste de formation, Jennifer a quelque peu délaissé les châteaux forts et autres manuscrits pour se découvrir une passion pour le marketing de contenu. Elle a retiré de ses études les compétences attendues d’une bonne copywriter : compréhension et analyse du sujet, restitution de l’information, avec une vraie maîtrise de la plume (sans systématiquement recourir à une certaine IA 🤫).

Une anecdote sur Jennifer ? Elle s’est distinguée chez Appvizer par ses aptitudes en karaoké et sa connaissance sans limites des nanars musicaux 🎤.

Jennifer Montérémal

Jennifer Montérémal, Editorial Manager, Appvizer

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